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Pourquoi vos KPIs tuent l’innovation

On ne pilote pas une fusée avec le compteur de vitesse d’une voiture. Pourtant, c’est exactement ce que font beaucoup d’entreprises quand elles évaluent leurs produits uniquement à travers des KPIs. Les chiffres rassurent : ils donnent une impression de maîtrise et de rigueur. Mais derrière cette précision apparente se cache un danger silencieux : …

On ne pilote pas une fusée avec le compteur de vitesse d’une voiture. Pourtant, c’est exactement ce que font beaucoup d’entreprises quand elles évaluent leurs produits uniquement à travers des KPIs. Les chiffres rassurent : ils donnent une impression de maîtrise et de rigueur. Mais derrière cette précision apparente se cache un danger silencieux : celui d’étouffer l’innovation.

Le piège psychologique des chiffres

Notre cerveau aime les nombres : ils activent le circuit de récompense et donnent l’illusion d’une vérité incontestable. Un CEO qui annonce « +15 % de croissance » paraît plus solide qu’un designer qui parle d’“expérience améliorée”. Résultat : les décisions stratégiques s’appuient sur ce qui est mesurable, pas forcément sur ce qui compte vraiment.

C’est l’origine de ce qu’on appelle la vanity metric : une donnée flatteuse (nombre de téléchargements, vues, likes) qui ne dit rien de la valeur créée.

Quand les KPIs enferment l’innovation

C’est la loi de Goodhart : « Quand une mesure devient un objectif, elle cesse d’être une bonne mesure. »

Prenons quelques exemples :

  • Uber a longtemps mis en avant le nombre de trajets par semaine comme indicateur phare. Cela reflétait la croissance, mais masquait un problème plus profond : l’insatisfaction croissante des chauffeurs. Résultat : une crise sociale et une pression réglementaire qui ont coûté cher à l’entreprise.
  • Facebook a optimisé le temps passé sur la plateforme. KPI atteint, mais au prix d’un produit addictif, critiqué pour ses effets sur la santé mentale et la société.
  • Booking.com a multiplié les tests A/B pour maximiser le CTR sur ses pages. Les interfaces sont devenues saturées de signaux anxiogènes (« Il ne reste qu’une chambre ! »). Le chiffre a grimpé, mais la confiance à long terme s’est érodée.

Dans chacun de ces cas, le KPI est devenu une prison : l’équipe a cessé d’innover pour “jouer au chiffre”.

L’obsession des chiffres

Les métriques sont essentielles. Elles permettent de détecter des signaux faibles, d’objectiver des progrès et de prendre des décisions plus rationnelles. Mais quand elles deviennent une fin en soi, elles créent une illusion de maîtrise.

Une organisation réellement innovante n’est pas data-driven au sens strict — elle est data-informed. La différence est subtile, mais fondamentale : les données guident la réflexion, sans remplacer le jugement humain ni le contexte.

Quelques exemples concrets :

  • Slack a longtemps suivi le nombre de messages envoyés comme indicateur de collaboration. Pertinent au début, mais moins pertinent quand l’outil a atteint une masse critique : beaucoup de messages peuvent aussi signifier du bruit. L’entreprise a dû compléter avec des métriques sur la satisfaction et la productivité perçue.
  • Airbnb aurait pu se contenter du nombre d’inscriptions. Mais une inscription n’a aucune valeur si l’utilisateur ne réserve jamais. En choisissant les “nuitées réservées” comme North Star Metric, Airbnb a aligné ses équipes sur la valeur réelle créée.
  • Netflix ne se limite pas au “temps de visionnage”. Ils analysent aussi la diversité des contenus consommés et la rétention à long terme. Dix heures de binge-watching par ennui ne valent pas autant qu’un utilisateur qui revient chaque semaine.

Les chiffres ne sont donc pas des ennemis de l’innovation — au contraire. Mais utilisés hors contexte, ils deviennent des mirages : ils rassurent, tout en détournant l’attention de ce qui compte vraiment.

Des alternatives pour libérer la créativité

  • La North Star Metric (NSM). Une métrique unique qui reflète la valeur pour l’utilisateur.
    • Spotify : minutes écoutées.
    • Airbnb : nuitées réservées.
    • Notion : nombre de documents collaboratifs créés.
      Ces métriques traduisent l’impact réel, pas seulement l’activité.
  • Les OKR (Objectives & Key Results). Ils donnent une direction inspirante plutôt qu’un chiffre froid. Exemple : « Améliorer l’expérience des nouveaux utilisateurs » avec comme KR : « 80 % complètent l’onboarding sans friction ».
  • Mélanger quantitatif et qualitatif. Les chiffres mesurent le “quoi”, les entretiens et tests expliquent le “pourquoi”. Une startup qui suit uniquement son CAC (coût d’acquisition client) sait combien elle dépense, mais pas pourquoi les utilisateurs restent — ou partent.

Comment choisir ses indicateurs sans tuer l’innovation

  1. Demandez-vous : cet indicateur mesure-t-il une activité ou une valeur vécue par l’utilisateur ?
  2. Vérifiez : pouvons-nous manipuler ce chiffre sans créer de vraie valeur ? Si oui, c’est un mauvais KPI.
  3. Complétez toujours par une lecture qualitative (satisfaction, feedback, NPS, verbatims clients).

Conclusion

Les KPIs ne sont pas mauvais en soi. Mais quand ils deviennent le pilote, l’entreprise finit par grimper une échelle… appuyée contre le mauvais mur.

L’innovation demande plus de nuance : une boussole (North Star Metric), une carte (OKR) et surtout une écoute active des humains derrière les chiffres.

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